En octobre 2017, la plus célèbre des marques de streetwear a été valorisée au montant fou dun milliard de dollars. Comment une marque à l’origine underground et uniquement dédiée aux skateurs est-elle devenue un tel empire ? Début de réponse en trois points !
Culture skate et branding iconique
La genèse de Supreme remonte aux années 1980. À cette époque, James Jebbia, un anglais passionné d’art et de mode s’installe à New York. Il démarre en tant que vendeur pour la boutique Parachute, puis après quelques années ouvre sa première boutique, Union NYC, où il revend des marques anglaises comme Fred Perry.
Ses affaires l’amènent à croiser la route de Shaun Stüssy, propriétaire de la marque du même nom spécialisée dans le surfwear et qui cartonne en Californie. Stüssy va lui proposer d’ouvrir une franchise de sa marque à New York. Jebbia accepte et tient la boutique pendant quelques temps mais finit rapidement par s’ennuyer. En réalité, il se voit plutôt comme un créateur et rêve de lancer sa propre marque.
C’est ce qu’il finira par faire : en 1994, il investit 12 000 dollars d’économies pour fonder Supreme, un magasin dédié au skate à Manhattan, sur Lafayette Street. Jebbia lui-même n’est jamais monté sur une planche, mais l’univers du skate l’attire et il constate que les boutiques de l’époque ne proposent rien de qualité pour les riders, qui cherchent à la fois des fringues pratiques et résistantes mais aussi suffisamment stylées pour plaire aux filles.
Il faut rappeler qu’à l’époque, le skate n’a pas la cote comme aujourd’hui et les riders forment une communauté underground qui ne se retrouve pas dans les codes vestimentaires de New York. Jebbia va donc proposer avec Supreme des pièces de meilleure qualité : les pantalons seront renforcés et les t-shirts plus épais que la concurrence. Dans le magasin Supreme, tout est pensé pour les skateurs et les rayons sont suffisamment larges pour que l’on puisse s’y balader avec une planche.
Mais ce qui va surtout rendre Supreme incontournable c’est son fameux « box logo » rouge et blanc, reconnaissable entre mille et très largement inspiré du travail de l’artiste Barbara Kruger. Ce logo va devenir un symbole de reconnaissance pour tous les skateurs de la planète et fédérer la communauté autour de la marque. Il sera par la suite repéré dans les compétitions ou dans les clips et représentera une sorte d’emblème pour les riders du monde entier.
Collaborations avec des peoples et des artistes
Un autre point qui a rendu Supreme iconique, c’est ses différentes campagnes de publicités imaginées par le photographe controversé Terry Richardson, aussi simples que terriblement efficaces : elles mettent toutes en scène une célébrité sur fond blanc posant avec un tee-shirt floqué du logo Supreme.
Kate Moss, Michael Jordan, Lady Gaga, Mike Tyson ou Tyler the Creator se sont prêtés au jeu et ont rendu ces campagnes d’affichage cultes. Même Kermit la Grenouille a eu droit à une campagne à son effigie !
James Jebbia a profité de cette exposition pour éviter de se mettre en avant lui-même, préférant laisser les artistes jouer les ambassadeurs de la marque. Ainsi, on a pu voir entre autres Kanye West, Drake, Frank Ocean, Lou Reed ou Rihanna porter du Supreme et renforcer le caractère exclusif de la marque.
Supreme s’est aussi très souvent appuyé sur des collections capsules avec des pointures de l’art contemporain comme George Condo, Takashi Murakami ou Roy Lichtenstein pour réaliser des planches de skate ou des sweatshirts qui s’arrachent ensuite sur le marché de la revente. On peut citer également les innombrables collaborations de Supreme avec d’autres marques, qui provoquent des émeutes à chaque nouveau drop : Nike, Lacoste, Comme des Garçons ou encore Louis Vuitton.
La bonne idée : en plus des vêtements, Supreme propose aussi toutes sortes de goodies aux fans de la marque. Ces accessoires vont du porte-clefs au mug passant par une tondeuse ou même des pistolets à eau qui rendent fous les collectionneurs, passionnés par tout ce qui touche de près ou de loin à Supreme.
Un culte de l’exclusivité
Mais surtout et, paradoxalement, ce qui a rendu la marque Supreme aussi incontournable, c’est sa culture de la rareté.
A l’origine James Jebbia produisait en petites quantités pour éviter d’avoir des modèles invendus et c’est devenu avec le temps le meilleur atout de la marque : produire en quantité réduite pour donner le sentiment aux « kids » que porter du Supreme, c’est faire partie d’une communauté élitiste.
« Si je peux vendre 600 pièces d’un modèle, je vais n’en produire que 400 », déclarait le créateur dans une interview. De cette manière il s’assure que l’offre reste toujours inférieure à la demande. Ce positionnement se ressent dans la stratégie de la marque par rapport à ses franchises : alors qu’elle est ultra-prisée, il n’existe que six boutiques Supreme dans le monde. Le magasin parisien a ouvert en grande pompe fin 2016 avec un live de PNL — d’autres adeptes du culte de la rareté — pour l’inauguration.
Conséquence de ces pénuries orchestrées : Supreme est la marque la plus revendue en ligne. Un véritable marché noir s’est organisé, et des boutiques entièrement dédiées à la revente de produits Supreme ont ouvert. Des ados passent des nuits entières à faire la queue avant chaque « drop » pour ensuite revendre les produits eux-mêmes ou à des boutiques en ligne dédiées.
Deux œuvres pour aller plus loin :
- Le film « Kids » de Larry Clark, sorti en 95, et qui suit les errances de deux ados dans le New York des nineties. Clark s’est largement inspiré des bandes de skateurs qui trainaient à la boutique Supreme et y a même casté de nombreux acteurs du film.
- Le docu « Sold Out: The Underground Economy of Supreme Resellers » réalisé par Complex qui s’intéresse au phénomène de revente des produits Supreme, et toute l’économie qui en découle.
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