Yeezy grandeur de l'Amérique

Comment Yeezy veut rendre sa grandeur à l’Amérique

by Régis
17 août 2020
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Après plusieurs années de combats créatifs mêlés à des difficultés financières, Kanye West est finalement parvenu à faire de sa marque Yeezy une référence dans le milieu de la mode et des sneakers. Une popularité colossale qui lui aura même permis de rentrer dans le cercle très fermé des rappeurs milliardaires selon Forbes. Comment Yeezy est-elle devenue un tel empire, et comment Kanye parvient-il à constamment créer l’événement autour de ses créations ? Réponse ci-dessous !

Pas très streetzer celui-là…

Les débuts dans la mode

Kanye a toujours été passionné de mode et d’art. Au début de sa carrière, celui qui paradait en polo rose et sac à dos Louis Vuitton — très loin des codes streetwear de l’époque — a d’abord tenté plusieurs incursions dans l’univers de la création avant de lancer la marque Yeezy telle qu’on la connait aujourd’hui. Après quelques collaborations plutôt confidentielles avec des marques comme Bape ou Nike en éditions très limitées, il tease à partir de 2007 des pièces d’une marque qui devait annoncer son intronisation dans le monde de la mode : Pastelle. Pourtant imaginée avec l’aide d’une clique de designers de renom (Kim Jones, l’artiste Kaws ou encore Nigo, le fondateur de Bape), la marque ne verra finalement pas le jour.

Kanye West Pastelle Blue Varsity Jacket
Le fameux teddy Pastelle, malheureusement jamais sorti

Ses vrais débuts dans la création se feront en 2009. Cette année-là il sort ses premières séries de baskets : les premières avec Nike (les Air Yeezy) et les secondes avec Louis Vuitton. Le carton sera total, au point que les Air Yeezy 2 « Red October » se revendront jusqu’à 16 000 dollars sur eBay et que Ye finira même par signer de fausses paires dans la rue à des fans en rigolant.

La Nike Air Yeezy II (comptez environ 4000€ à l’argus) © Complex

À la même période, soucieux de réellement apprendre le métier de designer, il effectuera un stage chez la marque Fendi en compagnie de son directeur créatif de l’époque, un certain Virgil Abloh, et plus tard pour la maison française A.P.C. Ses expérimentations aboutiront à sa première collection féminine qu’il présentera en 2011 à Paris durant la Fashion Week. Très mal reçue par la presse et les professionnels, cet échec le poussera à revenir présenter une collection un an plus tard qui sera cette fois mieux accueillie.

Son parcours dans la mode est finalement assez similaire à ses débuts dans le rap : celui d’un étudiant avide d’apprendre et qui essuie plusieurs échecs avant de progressivement gagner le respect du milieu.

Eric Liedtke & Kanye West (Yeezy)

Changement de stratégie 

Jusque là, les produits Yeezy sortaient en quantités réduites pour créer le désir et augmenter la demande, à la manière d’une marque comme Supreme

L’année 2015 va marquer un tournant : West va cesser sa collaboration avec Nike pour rejoindre Adidas. Les raisons évoquées par l’artiste étant que la firme allemande lui laisse d’une part plus de liberté créative mais surtout, contrairement à Nike, elle lui permet également de toucher des royalties sur chaque paire vendue.

La collaboration démarrera sur les chapeaux de roues avec la Yeezy Boost 750, et surtout la Yeezy Boost 350 qui sera un carton monumental, déclinée jusqu’à aujourd’hui en différentes versions et coloris. Le point culminant de cette fructueuse association sera certainement la présentation de la collection Yeezy Saison 3 durant l’avant-première de son album The Life Of Pablo au Madison Square Garden, retransmise en ligne et dans 50 cinémas à travers le monde. Jay-Z, Kim Kardashian Travis Scott, Kid Cudi ou encore Young Thug assisteront notamment à cette petite sauterie.

Au vu de son nouveau contrat avec Adidas (il touche environ 10% sur chaque paire vendue), on comprend que West ne cherche plus à faire de ses Yeezy des produits élitistes mais plutôt des paires mainstream trouvables facilement auxquelles tout le monde peut avoir accès. La motivation : devenir accessible à tout prix. 

Il va ainsi mettre en oeuvre plusieurs moyens pour y arriver :

  • Diversifier les modèles : la Yeezy Boost 350 reste le modèle phare, mais d’autres ont vu le jour comme la Calabasas (dont le design est très proche d’une Reebook Classics), ou encore la Desert Rat et la Wave Runner qui surfent sur le phénomène des « dad shoes ».
  • Faire appel à sa compagne Kim Kardashian, l’une des personnalités les plus suivies sur Instagram pour montrer des modèles inédits sur ses réseaux ou via les paparazzi et ainsi toucher un public plus large.
  • Augmenter la disponibilité des paires à chaque drop pour limiter les ruptures de stock. Plus d’un million de 350 V2 Triple White seront ainsi mises en vente en septembre 2018..
  • Lancer des campagnes d’envergure comme “We Got Love” en 2018. Celle-ci mettait en scène des mannequins blancs et noirs qui s’étreignaient avec le slogan “WE LOVE” traduit en 11 langues et fut affichée dans des stations de métro du monde entier et en une de grands journaux.
  • Et, annoncer un partenariat inédit sur les dix prochaines années avec GAP, marque symbole du prêt-à-porter grand public et aujourd’hui en perte de vitesse.
Extrait de la campagne « We Got Love »

L’ambition est donc de faire de Yeezy une marque globale qui touche tout le monde et qui véhicule des valeurs avant de vendre un produit. Devenir plus grande que le produit qu’elle vend, au même titre qu’Apple ou Disney — que West cite volontiers en exemples.

Kanye West MAGA

« All publicity is good publicity »

Une chose que West a sûrement comprise très vite en s’intéressant à ses idoles Walt Disney et Steve Jobs, c’est que sa marque serait indissociablement liée à son personnage public.

Habitué des phrases chocs, coups de sangs sur les tapis rouges et provocations en tous genres, on l’a vu dernièrement pêle-mêle afficher son soutien à Donald Tump, annoncer sa propre candidature à l’élection présidentielle américaine, performer sur scène déguisé en bouteille de Perrier, tenir des propos incohérents sur l’esclavage ou encore assurer la direction artistique de la cérémonie des Pornhub Awards. Pourtant, malgré ses coups de gueule sur Twitter, ses meetings de campagne embarrassants ou ses apparitions publiques coiffé d’une casquette MAGA, jamais sa marque ne s’est aussi bien portée financièrement, les bons chiffres de Yeezy le propulsant même dans le club très sélect des milliardaires du hip hop, aux côtés de Jay-Z et Dr. Dre.

Kanye West Forbes
« Ce n’est pas un milliard. C’est 3,3 milliards, puisque personne à Forbes ne sait compter ». (Texto envoyé par West à la rédaction de Forbes)

Sans rentrer dans les théories au sujet de sa santé mentale et sa potentielle bipolarité (confirmées par sa compagne Kim K.), West paraît surtout appliquer un vieil adage qui semble lui donner raison dans son ascension au sommet du sneaker-game, à savoir : « there’s no such thing as bad publicity ». En effet, sa marque continue de créer l’événement à chaque nouvelle collection et même les modèles de Yeezy aux designs les plus avant-gardistes (ou chelous, c’est au choix) se revendent à prix d’or sur les plateformes de resell comme StockX.

Même ses modèles les plus franchement osés trouvent leur public — ici les Foam RNNR Ararat

La question mérite donc d’être posée : est-ce que toutes ses frasques ne seraient pas simplement un moyen d’attirer en permanence l’attention des médias pour ainsi mieux nous vendre ses produits ? Tout cela ne serait-il pas la campagne marketing la plus ambitieuse de tous les temps ? L’avenir nous le dira ! (peut-être…)


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